LE ROI LEAR

LE ROI LEAR
de William Shakespeare
Adaptation de Daniel Loayza
Création 2077
Mise en scène :
Michel Mathieu
Assistant à la mise en scène : Yann Frouin
Scénographie :
Michel Mathieu
Pierre Dequivre
Distribution
Goneril : Natalie Artois
Régane : Séverine Astel
Le fou : France Hassan Ayoudj-Tess
Kent : Andrée Benchétrit
Cordélia : Mélyssa Michel
Lear : Dominique Collignon-Maurin
Cornouailles, le médecin : Sébastien Lange
Albany : Jacky Lecannelier
Oswald, Bourgogne : Kaf Malère
Gloucester : Jean-Yves Michaux
Edgar : Alex Moreu
Edmond : Quentin Siesling
Constructions : Pierre Dequivre
Lumières : Christian Toullec
Costumes : Nathalie Guillot
Projections : Bruno Wagner
Sons : Sébastien Cirroteau
Régie plateau : Alberto Burnichon
Public : adultes
Durée : 3h30 avec entracte
A propos du spectacle
Lear se sent devenir vieux ; il décide de partager le royaume entre ses trois filles. On connaît la suite : les deux aînées répondent par la flatterie à la demande d’amour exclusif du roi, la cadette s’y refuse…Ce qui pouvait passer pour un acte généreux ou une décision politique avisée, engendre une triple catastrophe : destruction des liens familiaux, guerre civile, guerre tout court avec pour tout solde la mort des principaux protagonistes.
Comment les petites histoires font la grande histoire, comment notre être intime se heurte au rouleau compresseur d’un société en crise… voilà ce que raconte cette tragédie, voilà ce que nous dit Shakespeare avec ce génie si particulier, mélange d’une souveraine ironie, et d’une pénétration aussi vaste que profonde des débats qui agitent depuis toujours une humanité taraudée par ses propres bourreaux.
La mise en scène de Michel Mathieu croise avec l’actualité le discours de Shakespeare. Dans la profondeur de la langue de ce poète renaissant se faufilent les fils d’Ariane qui vont nous permettre de re-tisser l’écheveau de notre propre société, d’en faire le bilan et d’en tirer les âpres conclusions – les fantômes shakespeariens émergent du va et vient incessant entre le texte du XVIIe et la réalité du XXIe siècle, car cette grande œuvre répond aux peurs et aux espoirs de l’heure présente.
La fin d’un mode de pouvoir « pastoral » au profit du développement d’une société qui invente à la fois les débuts du libéralisme économique et la figure de l’individu : voilà ce que traduit cette pièce à cette époque de la Renaissance, au royaume d’Albion.
Nous n’en sommes pas sortis… même si les lieux du pouvoir ont changé. Qu’en est-il de ce conflit à l’heure de la société du spectacle ? Que ce passe-t-il lorsqu’elle est mise en crise ? Quand une voix sincère, celle de Cordélia, met en échec la langue de bois ?
La tragédie devient dès lors une anticipation de ce qui pourrait nous arriver, un poème de politique fiction avec ses soubresauts, ses contradictions, ses phases terribles, ses éclaircies.
La proposition du Théâtre 2 l’Acte est volontairement polymorphe, comme l’est l’inspiration shakespearienne, associant tragique et grotesque, densité et légèreté, pensée et poésie…S’y mêle aussi une réflexion sur le théâtre même : la scène peut déborder de son cadre, le jeu se frotte aux sons, aux images, en deçà le réel pointe sous la fiction.
Extrait de presse
[Jean-Luc Martinez, La Dépêche du Midi, le 24 Mai 2007]
« …Michel Mathieu utilise judicieusement un théâtre en mouvement, fait de constructions et de reconstructions permanentes de l’espace de représentation. Les comédiens sont à la fois acteurs et spectateurs de leur propre destin avec force ou détachement, la musique et la vidéoréalisées en direct sur le bord de la scène permettent de pénétrer avec curiosité et étonnement dans ce jeu de massacre finement orchestré. Malgré les 3h40 de spectacle l’ennui ne s’installe jamais. L’ambiance survoltée de la scène laisse aussi place à des moments plus intimes de la réflexion d’un roi qui comprend à la fin de sa vie ce que sont finalement les vraies valeurs humaines. Dans la peau de Lear, Dominique Collignon-Maurin incarne parfaitement les différentes étapes de l’existence de son personnage. Il est épaulé par une troupe d’artistes et de techniciens du son et de l’image fortement impliqués dans leur rôle avec un coup de coeur pour l’interprétation vibrante d’Andrée Benchétrit en Kent et celle plus légère mais tout aussi remarquable de Hassan Ajoudj-Tess dans le rôle du fou.
[Cécile Brochard, Flash hebdo, le 23 Mai 2007]
« … Feuilleton à la cour, on nage dans Points de vue Images du monde , la vraie ringardise en moins. On n’en n’est pas loin parfois, mais Mathieu passe tout ça au vernis clinquant de l’ultra-branché: tenue de soirées, lunettes de star et chorégraphies à deux balles, ces personnages croient péter au-dessus de la mêlée et tirer de rusées ficelles quand ils ne sont que pantins glissant vers la tragédie. Leur monde d’abord régi par un pouvoir souverain éclate en morceaux, à l’instar du décor, morcelé, mobile, qui ouvre des tableaux changeants dans le cours de l’action. Ponctuées d’interventions poétiques du fou, rythmée par le bilan d’un vieux parapluie déplumé, la route de Lear croise celle de SDF et sombre dans le loufoque, le grotesque. Echévelés, hurlant dans la tempête du monde, les acteurs s’éclatent visiblement, à commencer par Lear lui-même (Dominique Collignon-Maurin). Moments drôles, de vraie folie, ils ouvrent des fenêtres vivifiantes dans le rythme, qui s’étire trop sur la fin. Un spectacle à voir et à encourager.