
LES IDIOTS
Création 2022
Texte : Claudine Galea
Editions Espaces 34
Mise en scène : Michel Mathieu
grand public
Distribution
Sophie Berneyron, Jean-Marie Champagne,
Célia Dufournet, Léo Gaubert, Simon Godard,
Emmanuelle Lutgen, Barby Marchand,
Lou Rey, Quentin Siesling
Musique : Lucie Laricq
Régie lumières : Fabien Le Prieult
Construction décor : Basile Robert
A propos du spectacle
Cette pièce est une course. Celle de personnages détachés de leurs liens sociaux. Adolescents et adultes…
Les adolescents sont les uns, dans une recherche d’amour inconciliable avec un univers social qui ne leur fait pas place, les autres dans une fuite en avant sous-tendue par le vertige du risque physique et la violence fantasmée.
Quant aux adultes, ils sont comme des électrons libres, déconnectés de leurs métiers, vacillant dans leurs liens familiaux, errants au sein de cette gigue sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir.
L’écriture de Claudine Galea entremêle les fils de ces destins dans une danse qui cible la mort. Elle est rapide, directe, elle ne s’attarde pas, on passe…. elle trace les trajectoires croisées des personnages qui énoncent les désirs ou les impuissances qui vont incliner leurs destins. Pas d’apitoiement chez eux, ni chez l’autrice pour ce qu’elle flèche. Nous ne sommes pas dans une étude de caractère. Cependant régulièrement dans des pauses de l’action, les personnages se disent à eux-mêmes leur rapport au monde, et leur parole nous revient évidement en écho. On aurait ici, à l’inverse d’une étude psychologique, un théâtre épique qui choisirait la sphère de l’intime pour dire le mal être général.
C’est que toutes ces courses individuelles dans leurs carrefours, et leurs chocs, disent bien quelque chose du « commun », mais en négatif. Elles en disent son fiasco. Ainsi le tragique s’avère double, pour les personnages qui courent vers leur perte, et pour l’ensemble social qui dévoile sa faillite, et en fin de compte sa dissolution. Les cibles espérées par ces vies condamnées, nous restent comme seules lumières, par-delà la faillite des personnes. La phrase est serrée, sans bavure inutile, elle énonce, témoigne, pour poser comme une autopsie d’un état du monde. Mais sur cette toile de fond noire, s’inscrivent, qui la trouent, des déclarations enflammées et vibrantes, prononçant la ferveur de l’amour ou le battement du risque vital. La noirceur du tableau est sauvée à la fois par l’énergie des personnages, rythmée par cette écriture nerveuse qui marque toute l’œuvre de Claudine Galea.
L’auteure
Claudine Galea est auteure dramatique et romancière.
Lauréate du Grand Prix de littérature dramatique jeunesse en 2019 pour Noircisse et du Grand Prix de littérature dramatique en 2011 pour Au Bord, du Prix Collidram pour Au Bois et du Prix radio SACD pour l’ensemble de son travail radiophonique.
Elle publie également des romans et des albums pour la jeunesse. Elle est auteure associée au Théâtre National de Strasbourg sous la direction de Stanislas Nordey, et membre du comité de rédaction de la Revue Parages.
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Points de vue de spectateurs
[Serge Pey]
« Planches, équilibre, photos du mouvement, esthétique, poirier et cabrioles. Balançoire où Dieu et le diable repartagent dos à dos des dialogues que nous pouvons prononcer dans les moments de nos banalités.
Michel Mathieu a réalisé une nouvelle fois, une mise en scène inoubliable avec des acteurs issus des moments tragiques de la vie courante et des faits divers : manifestation de rue, scène d’amour, attaque à main armée, massacre des innocents dans nos géographies et notre société, avec des acteurs allant jusqu’au bout d’eux-mêmes dans le délire et la retenue. Avec ce texte de Claudine Galea, Michel Mathieu a frappé.
Merci à ce grand metteur en scène contemporain qui fait monter chaque marionnette de notre société sur les balançoires d’un sens qui nous échappe, mais qui traverse, sans cesse pour nous interroger. »
[Lettre d’Eliane Kirchner à Claudine Galea]
» …Les ados extrêmes jouent magnifiquement, et rigoureusement (sublime fragile et coriace petite Ange notamment) de même que l’ensemble des adultes, évidemment moins « voyants »….La mise en scène est efficace et économe, rien de superfétatoire, pas de chiqués ou d’agitations comme je les déteste : et pourtant ça bouge, ça gueule, ça cavale, (les sons, la musique, les silences sont tous justes, la musicienne est incroyable. Le choeur, qui scande collectivement ce qui se noue là et là, revêt une importance capitale, il agit comme un liant et pour cause : tous ces « chacuns » en effet, sont aussi bien autour de nous – au coin de la rue, du monde et de la société – qu’en nous-mêmes – aux différentes étapes de notre vie, ou alors intemporels, à l’image de l’éclat du désir ou de son affaissement.
Ce qui est beau, c’est qu’on n’est pas dans une succession de portraits, mais cela cohabite au final en une simultanéité de points de vue, tout à coup hors du temps, en tout cas hors de l’ordre du linéaire, bien qu’on sente une chronologie qui va se jeter vers la mort….on sent une ductilité générale et contagieuse, et c’est à mon avis, la grande réussite, le tour de force, car d’emblée on est face à une partition d’ensemble rigoureusement réglée, où chaque signe (corps, sons , texte, espaces, mouvements ) rejoue le sens, le décale, l’ajuste à tout moment dans cette vision où rien de psy ne saurait trouver de place. C’est un ample tableau de société.
L’effet est celui d’une orchestration, d’un tableau rythmique quasi abstrait, d’un grand échiquier où la place des cases serait tenue, pour les trajets du fou, par les angles rapides que tracent les voies de déplacements, les univers qu’ils délimitent et engendrent. »