ILS LAISSENT TOUJOURS LES PORTES OUVERTES

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Création du Théâtre de l’Acte :

ILS LAISSENT TOUJOURS LES PORTES OUVERTES

  • Texte et scénographie : Natalie Artois et Michel Mathieu
  • Avec :
    Michel Mathieu
    Natalie Artois
  • Lumières : Mourad Maalaoui
  • Paysage sonore : Hdelay
  • Public : adultes
  • Durée : environ 1h30

Au com­men­ce­ment il y eu un texte de Bataille…
Qu’on ne dira pas !
Il nous pro­vo­quera. Nos explo­ra­tions ont enfin cris­tal­lisé un bizarre édifice à onze portes d’entrées : un laby­rin­the amou­reux.
S’y croi­sent et décroi­sent, au pouls d’Eros ou de ses démons, les fils inti­mes de la mémoire et les fibres char­nel­les de nos mythes sou­ter­rains. Ni tra­gé­die, ni danse, ni quo­ti­dien, une tra­ver­sée plutôt…comme la vie elle-même dans ses formes et dans ses états.
Un mys­tère à deux avec un dieu absent, caché ou à inven­ter.

ILS LAISSENT TOUJOURS LES PORTES OUVERTES

Souscrivant à la pensée de Léopardi – on n’a de vrai que ses illu­sions – nous éprouvons que le réel n’est rien si l’on ne s’en empare . Une ten­dance majeure, pour ne pas dire majo­ri­taire, de l’art d’aujourd’hui décline le degré zéro de la réa­lité. Soit pour en faire le procès, dénon­cia­tion sati­ri­que et sou­vent ambigüe, soit pour nous amener dans l’orbe angois­sant de son vide et nous la faire éprouver. Le corps, le sexe, est le lieu pri­vi­lé­gié de ce dévoi­le­ment – au sens propre comme au figuré – requis à tra­vers son expo­si­tion obs­cène voire por­no­gra­phi­que, l’intel­li­gence en plus, en embus­cade. De Rodrigo Garcia à Yan Fabre pour parler théâ­tre…Mais cette direc­tion sub­merge les formes bien au-delà pour dire et redire : « ce n’était donc que çà ! »

Nous sommes ailleurs, dans un par­cours qui ne s’arrête pas à ce vide, même s’il le frôle par­fois .

L’énigme posée à Eros lève des répon­ses qui sont autant de che­mins vers un réen­chan­te­ment où la fas­ci­na­tion du désir, le tour­ment de la perte, la jouis­sance de l’étreinte comme la pré­mo­ni­tion de la mort en son sein même, relan­cent à tout ins­tant les dés du combat amou­reux.

Car lutte il y a, celle des deux pro­ta­go­nis­tes sur le pla­teau, et celle, retrou­vée à tra­vers les expé­di­tions qu’ils ont chacun et cha­cune, menées eux-mêmes en leurs mémoi­res pour en extraire ce que l’intime pou­vait avoir de par­ta­gea­ble. Mais ce fai­sant ils croi­sent au hasard des gestes ou des paro­les extrai­tes des thèmes et des figu­res com­mu­nes : d’Aphrodite à Salomé, de Gaïa à Chronos, les­quel­les vont se mêler aux per­son­na­ges et aux situa­tions de notre quo­ti­dien le plus ordi­naire ; mère en maison de retraite, fugue en stop de la fille, homme pressé de se rebou­ton­ner après l’amour …

Tout cela se cons­truit comme un rêve, rêve de chair s’élaborant non pas sim­ple­ment sur les gestes du duo , mais leurs croi­se­ments avec des cou­leurs , le rouge d’un tissu à pas­sions, des matiè­res trans­fi­gu­rées, terre, farine ou sang, des objets à méta­mor­pho­ses, table, portes ou corde pour dire le temps, le pas­sage, la clô­ture…

Ainsi le voyage que trace cette fugue à deux, modu­lée par les sons immé­mo­riaux de H.Delay, est-il aussi façon de dire les noces avec le monde, déli­ran­tes ou dou­lou­reu­ses, sans rien refu­ser, par l’épreuve concrète des sens, le corps à corps phy­si­que avec tout ce qui nous entoure, la ten­ta­tive de sur­mon­ter une fois pour toutes le face à face entre l’objec­tif ( le pla­teau et ses « meu­bles » ) et le sub­jec­tif (le par­cours inté­rieur de l’acteur ). Le lan­gage qui naît de cette ten­sion se veut ouver­ture poé­ti­que au sens pre­mier, inci­ta­tion pour le spec­ta­teur à se faire sa propre his­toire, à réin­ven­ter à tra­vers cette vision des méta­mor­pho­ses amou­reu­ses sa rela­tion sin­gu­lière à un monde qui se refuse là à n’être plus que le désert d’un temps d’insi­gni­fiance.

Un décor fait d’une série de portes déboî­tées, posées en équilibre ins­ta­ble contre les cloi­sons du théâ­tre, dans un camaïeu de gris, une table cubi­que, des papiers déchi­rés, des bouts de tissus… cave ou gre­nier pour un voyage, pour le vent…

L’objet prend ici tour à tour divers sens au-delà de sa propre réa­lité. Une corde pourra deve­nir aussi bien la ligne de vie, une porte, le lieu de la méta­mor­phose, une table un autel, un billot, une prison ou un cer­cueuil. Les volu­mes com­po­sent l’espace à la demande du jeu.

Tout se fait et se défait à vue, même si le tra­vail de lumière est impor­tant pour appuyer la dif­fé­ren­cia­tion des plans.

Il est apparu que ce péri­ple à tra­vers des états, des modes de jeu et des situa­tions contrai­res, pas­sant du réel à l’oni­ri­que ou au mythi­que, de la parole ordi­naire au poème ou au chant – le même écart tra­ver­sant la ges­tua­lité – deman­dait, pour accom­pa­gner dans ces décro­cha­ges l’esprit du spec­ta­teur, un fil d’Ariane, ou plutôt un mes­sa­ger ; ce rôle a été dévolu au son.

Les pay­sa­ges sono­res de Hdelay jouent ce rôle, tantôt réson­nant dans l’action, tantôt annon­çant les muta­tions en deve­nir.

En somme com­ment défi­nir ce type de spec­ta­cle ? Le geste y est impor­tant, ceci n’appar­tient pour­tant pas à la danse ni à la danse-théâ­tre.

Certains pas­sa­ges font réfé­rence à des mythes, il ne s’agit pas non plus d’une tra­gé­die.

Parfois l’action est pro­saï­que, on est pour­tant à cent lieues du théâ­tre du quo­ti­dien.

Ce serait peut-être une sorte de poème dra­ma­ti­que, une tra­ver­sée, comme la vie elle-même, diverse dans ses formes comme dans ses états. Un « mys­tère » à deux, au sens médié­val du terme, avec un dieu absent, caché ou à inven­ter.